La clause d’accroissement

La clause d'accroissement

La clause d’accroissement peut être analysée comme une convention par laquelle les acquéreurs d’un bien indivis cèdent réciproquement leur part (en pleine propriété ou en usufruit) à l’autre sous la condition suspensive de leur prédécès par rapport à l’autre.

Elle partage un certain nombre de caractéristiques essentielles avec la clause de tontine. En effet, le résultat est le même : la pleine propriété du bien revient au survivant.

Il faut cependant souligner une différence importante : à l’inverse de la tontine, la clause d’accroissement peut être distincte du contrat de vente et ne suppose aucune intervention du vendeur, tiers aux intérêts visés par cette clause. 

Elle pourra être convenue séparément, même après l’acquisition, entre les acquéreurs, évitant ainsi de devoir faire appel au vendeur lors d’une modification ou suppression éventuelle de ladite clause.

La clause d’accroissement correspond nettement plus à une réalité de fait que la clause de tontine et implique nettement moins de difficultés en cas de changement de situation.

Les avantages 

Eu égard à l’ingéniosité des mécanismes juridiques développés ci-dessus, la question peut légitimement se poser de savoir quels sont les avantages offerts par de telles manœuvres. Ils sont en réalité de plusieurs ordres.

Tout d’abord, ces clauses permettent, dans une certaine mesure, de faire échapper un bien aux règles de la dévolution successorale et, en particulier, de la réserve héréditaire en ce que le bien concerné ne fera plus partie du patrimoine du défunt et donc de la masse successorale. Cela assure ainsi la transmission du bien au survivant de manière certaine.

Ces mécanismes offrent une stabilité dans la mesure où ils constituent des contrats et ne peuvent dès lors être révoqués en l’absence du consentement de l’autre, à l’inverse d’un testament pouvant être révoqué unilatéralement. 

Enfin, l’attrait est bien évidemment fiscal pour les couples non mariés. En effet, l’utilisation de ces clauses permet d’échapper au paiement de droits de succession parfois élevés entre cohabitants de fait assimilés à cet égard à des « étrangers » (tarif : entre 20 % et 80 % de la valeur vénale) au profit de droits d’enregistrement nettement moins élevés. Cet avantage fiscal doit toutefois être nuancé en raison des réformes fiscales régionales et parfois divergentes.

Les inconvénients 

Il ne faut pas négliger certaines conséquences pratiques qu’entraîne le recours à ces dispositions.

En effet, si fiscalement, la situation peut apparaître intéressante pour les cohabitants non mariés, elle le sera nettement moins si le couple décide de se marier par la suite, les droits de mutation étant plus élevés que les droits de succession entre époux. 

Par ailleurs, en cas de conflit aigu dans le couple, la clause de tontine ou d’accroissement ne pourra être modifiée ou révoquée sans le consentement de l’autre si aucune modalité n’a été prévue à cet effet. Cette situation sera d’autant plus problématique si les cohabitants se séparent et ont des enfants chacun de leur côté. Ces derniers ne peuvent bénéficier d’aucun droit successoral éventuel sur l’immeuble qui reviendrait, en cas de décès, au coacquéreur survivant.

Ainsi, la rigidité de ces mécanismes, accrue dans le cas d’une tontine, fige les droits des parties et entraîne parfois des difficultés importantes d’adaptation aux changements de situation pouvant survenir au cours de la vie commune. Il sera cependant possible de pallier certains de ces inconvénients en laissant à chacun une possibilité périodique de révocation unilatérale après un délai de un, trois au cinq années (selon les clauses).

JURISPRUDENCE

La légalité des clauses de tontine et d’accroissement doit faire l’objet d’une attention particulière si l’on considère la prohibition des pactes sur succession future par le Code civil. Il s’agit clairement de clauses visant à gérer la situation patrimoniale des parties en cas de décès de l’une d’elles. 

La jurisprudence constante à cet égard vise à considérer que de telles clauses ne constituent pas un pacte sur succession future. 

En effet, la Cour de cassation établit ce qui suit :

« Un pacte sur succession future suppose une convention par laquelle des droits purement éventuels sont attribués, modifiés ou cédés sur une succession non encore ouverte ou sur une partie de pareille succession ».

Les droits ainsi attribués par la clause de tontine ou d’accroissement ne pourraient être qualifiés de purement éventuels. Un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers le confirme en ces termes :

 « Lorsqu’il a été convenu, d’une part, entre A et B que, lors du décès de l’un d’eux, la part d’usufruit reviendrait à l’autre, et d’autre part, entre A, B et C que lors du décès d’A ou de B, sa part reviendrait par parts égales à l’autre et à C, cette clause d’accroissement ne comporte pas de pacte sur succession future ».

La doctrine moderne est unanime : les clauses de tontine et d’accroissement ne peuvent être qualifiées de pactes sur succession future.